Entre art et science, dans une époque sujette aux changements et donc aux adaptations, le projet explore le monde végétal vivant des montagnes.
Écho 3, Laurence Piaget-Dubuis, projet de cocréation art et science, Jardin botanique Flore-alpe et Centre alpien de phytogéographie (CAP), Champex-Lac, CH. [Années COVID].
Inspiré par le territoire d’un hectare, les 4 000 espèces du Jardin botanique Flore Alpe de Champex-Lac et les recherches du centre alpien de phytogéographie (CAP), le projet Écho 3 explore les trois réponses de la flore alpine au changement climatique: l’adaptation, la migration et l’extinction. Il tente également d’établir des parallèles et des comparaisons possibles entre ces réponses et les comportements humains en cette période de bouleversement.
Il fait résonner l’écho émis entre, dans, autour et hors de nous par des figures et des installations aux médias multiples.
Le mot du Directeur
Je vous propose de débuter par une citation de Paul Klee pour résumer la résidence et notre travail avec Laurence:
«L’art ne reproduit pas le visible, il le rend visible.»Ce n’est pas pour comparer les photographies de Laurence aux polyphonies abstraites de Paul Klee. Ce serait plutôt pour poser quelques mots sur ce que nous révèle Laurence à travers son objectif: l’envers du décor de l’écrin Flore-Alpe:
Dr Christophe Randin, Directeur du Jardin alpin et du Centre alpien de phytogéographie (CAP). Discours lors du vernissage de Flore alpine en écho, 29/5/2021.
— C’est réussir à capturer les gestes des jardiniers, montrer les savoir-faire qui permettent de faire tenir ces 4 000 végétaux, qui ont fâcheuse tendance à avoir soif d’espace, dans e ce microcosme de 10 000 m2 et qui mime la montagne dans son ensemble.
— C’est de rappeler par l’image, des choses élémentaires que l’on oublie facilement, mais vitales pour nos 4 000 locataires végétales: le rôle protecteur de la neige et l’importance de l’eau à l’échelle du jardin, pour nous permettre de nous interroger sur notre avenir à l’échelle des Alpes.
— C’est le choix de placer des chercheurs-botanistes au milieu de déserts rocailleux, alors qu’on les imagine sur un tapis vert, pour nous faire sentir combien les environnements de montagne sont dynamiques et à quelle vitesse les champs de pierres laissés par les glaciers peuvent se transformer en oasis.
COMPTE RENDU 2020 [COVID]: UNE ANNÉE DE RÉSIDENCE
Février 2020, je découvre Champex-Lac, sa féérie encore préservée et son jardin botanique. Je suis invitée pour une résidence en vue de concevoir une exposition en collaboration avec l’équipe du Jardin et son centre alpien de phytogéographie (CAP) et je décide de concentrer toute l’année artistique sur ce seul projet. Au fil des échanges, le thème choisi devient la réponse de la flore aux changements globaux, adaptation, migration et extinction, sous le titre «Écho 3».
D’adaptabilité, il faudra en faire preuve au mois de mars quand les espoirs de présenter une exposition s’étiole et nous isole les uns des autres. Le sujet de recherche, l’adaptation au changement, devient réalité et la flore alpine nous guide vers un avenir à réinventer…
La décision de ne pas photographier les fleurs guide mon projet. Je prends le temps de questionner le jardin au fil des saisons, rechercher des espaces et des résonances, faire des liens et mettre en lumière ce qui ne se voit pas. J’observe, explore et utilise les arts visuels, pour interpréter le jardin, rendre visible les gestes et savoir-faire des jardiniers et les connaissances des scientifiques.
À travers l’année écoulée, j’ai questionné notre rapport aux changements globaux et nous invite à saisir l’écho transporté des Alpes par les 4 000 espèces florales du Jardin botanique. Février 2021, de retour au Jardin, je poursuis mes recherches, dont un recueil de poésies et de la calligraphie végétale.
Teinte du temps
Champex-Lax, 08/03/2021
Une année s’est écoulée depuis mon arrivée en résidence artistique au jardin alpin de Champex-Lac. Le 6 février 2021, une tempête de sable du Sahara obscurcit le ciel d’une partie de la France et de l’Helvétique confédération réfugiée au cœur des Alpes blanchies par l’hiver. Solide édifice rocheux résultat d’une collision entre la plaque tectonique européenne et africaine, état fédéraliste, démocratique et neutre, qui se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. De 2 degrés sur la planète, la température augmente de 4 degrés dans le pays…. Selon les médias, les poussières sahariennes volatiles proviennent du nord-ouest de l’Afrique, à savoir la Mauritanie, le Mali et l’Algérie et s’élèvent à quelques kilomètres d’altitude dans l’atmosphère. Enfant, je me souviens de quelques grains de poussière sur la carrosserie des voitures, jamais je n’ai vu un phénomène aussi intense. Le trajet d’environ deux heures qui relie les 46,2 km de Champex, arrêt télésiège au départ de Sion, par la succession de trois trains et d’un car postal, au volume ajusté au centimètre aux lacets des routes alpines, me hisse, les parties bucco-nasales recouverte d’un masque chirurgical de norme EN 14683, au petit Canada de la Suisse, ses forêts qui tombent jusqu’à son lac et ses chalets en bois, pour la somme de CHF 14.20 en demi-tarif. Du ciel de Martigny, je ne détourne mon regard, il semble se consumer par la charge dense de sable qu’il transport par le vent de la cité dont le nom latin Octodurus signifie « les huit portes ». Teintée, les 2 200 m du sommet de la Breya du massif du Mont-Blanc, transporte mes pensées en 1900. Les clichés photographiques développés selon le procédé dit « sépia » les rendaient plus résistants à la dégradation du temps…
Le sable a recouvert les dunes de neige et la glace du lac, d’une fine pellicule de poussière safran qui transforme le paysage de la station de ski en désert.
Je m’interroge sur le périmètre du monde, qui semble réduit à un battement d’aile de papillon. Le trajet de la poussière portée à 4 500 mètres d’altitude dans de forts courants d’altitude venus du sud dure de deux jours à une semaine. Bamako au Mali se situe à plus de 3 400 km de la Suisse. La durée d’un hypothétique vol d’avion direct du Mali à la Suisse est estimée à 5h 23min. Les dizaines de milliers d’avions cloués au sol par la pandémie mondiale, qui en deux mois et 13 jours s’est propagé dans le monde entier, ouvrirent-ils une fenêtre dans les consciences sur l’incroyable vaisseau spatial terre qui nous transporte et qu’il convient de préserver de toute urgence? Le 18 février 2021 à 21h56 le rover Perseverance de la NASA, se pose sur Mars à environ 225 millions de kilomètres de la planète bleu dans le cratère Jezero de 50 km de diamètre. Le robot va y chercher des traces d’anciens microbes ayant peut-être peuplé la Planète rouge il y a plus de trois milliards d’années. À l’atterrissage, après sept mois de voyage dans le vide stellaire, l’agence spatiale au logotype culte, invite les terrien.e.s. à déchiffrer la phrase codée, inscrite sur le parachute aux étranges motifs rouge et blanc: «Osez les choses puissantes». Le robot lancé dans l’espace en juillet 2020, quelques mois seulement après que le virus ait touché le monde entier rend hommage aux travailleurs de la santé. Une plaque d’aluminium placée sur son côté gauche symbolise le caducée, un serpent enroulé autour d’un bâton, pictogramme de la médecine aux États-Unis d’Amérique.
Les 365 jours écoulés furent éprouvants pour l’humanité, la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) causée par un virus qui nous tient à une distance de 1,5 mètre les uns des autres. Son origine est encore inconnue « Un marché aux poissons de Wuhan, une ville en Chine centrale, est probablement à l’origine de l’épidémie. On y vendait entre autres des chauves-souris, des serpents et d’autres animaux sauvages. Le virus est passé de l’animal à l’être humain, vraisemblablement véhiculé par des chauves-souris ou indirectement par des pangolins. Ensuite, le virus a été transmis d’une personne à l’autre. Les autorités chinoises ont fermé le marché début janvier 2020. »*
Chaîne de transmission proposée par les canaux officiels. La cause exacte est encore inconnue à ce jour. Confinée au périmètre de mon logement, comme une partie des contemporain·es, je télétravaille depuis ma sobre pièce de 6 x 4 m, sans subir toutefois une interdiction de circulation établie en France voisine. Privée de vie sociale, cette situation me plonge dans une introspection et une remise en question qui déplace les murs porteurs de ma chambre à soi comme des dominos. Cruel châtiment que de rester un an sans embrasser enfants et amis et de scruter la menace permanente dans l’autre. L’effondrement des secteurs dit non-essentiels, la restauration et la culture, laissent une partie de la population sans emploi et la jeunesse dans un état de sidération et de colère face à un avenir à réinventer.
Adaptabilité, migration ou extinction, les thermes qui dessinent les contours esquissés dès décembre 2019 du projet « Écho 3 » prennent pleinement sens. J’étais loin d’imaginer que la réponse de la flore alpine aux changements globaux, serait aussi rapidement la nôtre!
* Source: Office fédéral de la santé publique OFSP
Voir et revoir
EXPOS
01/05 – 10/2021
De l’alpin au jardin, 40 photographies sur bâche dans le Jardin, Laurence Piaget-Dubuis, projet de cocréation art et science: Écho 3, Flore-Alpe, Champex-Lac, CH, www.flore-alpe.ch
29/05 – 10/2021
Flore alpine en écho, dialogue entre arts visuels et littérature, Laurence Piaget-Dubuis, interprétation par les arts vivants Wave Bonardi, cocréation art et science: Écho 3, Flore-Alpe, Champex-Lac, CH, www.flore-alpe.ch
6/10/2021 — 17/05/2022
De l’alpin au jardin, exposition solo, 40 photographies sur bâche, Laurence Piaget-Dubuis, projet de cocréation art et science, Jardin botanique Flore-alpe et Centre alpien de phytogéographie (CAP), Musée de la nature du Valais, Sion, CH. www.musees-valais.ch
Remerciements
FONDATION AUBERT
LUCIENNE ROH, Médiatrice scientifique et responsable communication
DR CHRISTOPHE RANDIN, Directeur du Jardin botanique Flore-Alpe et du Centre alpien de phytogéographie (CAP)
DR NICOLAS KRAMAR, Président de la Direction de la Fondation Aubert
JEAN-LUC POLIGNÉ, Jardinier-botaniste responsable
MARIE-LYSE DORSAZ, Horticultrice
DR JEAN-PAUL THEURILLAT, Chercheur associé (CAP)
LES AMIS DU JARDIN, Flore-Alpe
HAKIM SCHEPIS, Stagiaire biologiste
SACHA LEVIVIER, Stagiaire biologiste
ANNA TORRIONE, Stagiaire
CHRISTEL SARRASIN, Stagiaire
CLÉMENT RICHARD, Civiliste
JONAS CARRON, Civiliste
SOUTIENS
Commune d’Orsières, Canton du Valais, Service de la Culture du Canton du Valais, Loterie Romande, Pays du St-Bernard, Alpeor.
PARTENAIRES DU PROJET
LAURENCE PIAGET-DUBUIS, Éco-artiste, graphiste et photographe
WAVE BONARDI , Comédienne
ZOÉ SZABO, Étudiante en graphisme
CATHY, DOMINIQUE ET CLÉMENCE ROUVINET, Caméléon Rouvinet Sàrl
RAPHAËL FIORINA , Impression numérique
VINCENT BORNET, PIERRE-YVES PANNATIER, NICOLE PENON, AURÉLIEN VERRILLO, Imprimerie Ronquoz Graphix
JOËL GAILLARD, Menuiserie
VALÉRIE PASSELLO, JEFF LUBRANO, FRANCINE ROH, CHANTAL BICHLER, Relecteur.ice.s
SOPHIE VALLÉE, Botaniste
GÁBOR HUSZÁR, Intervention technique
EN SAVOIR +
2021
➔ Communiqué de presse
➔ Affiche
➔ Plan de visite
➔ Remerciements
➔ Feuille de salle All.
➔ Feuille de salle F.
2020
➔ Affiche
➔ Flyer
ON EN PARLE
04/06/2021 ➔ La Gazette de Martigny
07/05/2021 ➔ La Gazette de Martigny
06/05/2021 ➔ Terre & Nature
30/04/2021 ➔ Le Nouvelliste
11/06/2020 ➔ Terre & Nature
06/2020 ➔ Orsières info
03/2021 ➔ Orsières info